Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/266

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de la pauvre femme. Le père Guinardon ouvrait un magasin de tableaux anciens et de curiosités et y établissait la jeune Octavie.

La devanture avait bon air : on y voyait des anges flamands, en chape verte, dans la manière de Gérard David, une Salomé de l’école de Luini, une sainte Barbe en bois peint de travail français, des émaux de Limoges, des verres de Bohème et de Venise, des plats d’Urbino ; on y voyait des dentelles de point d’Angleterre, que Zéphyrine, au temps de sa splendide jeunesse, avait reçues, à l’en croire, de l’empereur Napoléon III. À l’intérieur, des ors étincelaient dans l’ombre, et l’on discernait çà et là des christs, des apôtres, des patriciennes et des nymphes. Une toile était retournée contre le mur, pour ne s’offrir qu’au regard des connaisseurs, qui sont rares ; c’était une réplique de la Gimblette de Fragonard, peinture claire, qui semblait n’avoir pas encore eu le temps de sécher. Le père Guinardon lui-même le disait. Une commode de bois de violette, au fond du magasin, contenait dans ses tiroirs des raretés, des gouaches de Baudouin, des livres à figures du xviiie siècle, des miniatures.