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faut pour apprendre parfaitement l’algèbre, et, comme il ne se trouva personne qui voulût donner à l’approfondissement de ces symboles obscurs des heures mieux employées à découvrir les lois des nombres, M. Sariette demeura seul capable de se reconnaître dans ses classements et ce devint chose à tout jamais impossible de trouver sans son aide, parmi les trois cent soixante mille volumes confiés à sa garde, le livre dont on avait besoin. Tel était le résultat de ses soins. Bien éloigné de s’en plaindre, il en éprouvait, au contraire, une vive satisfaction.

M. Sariette aimait sa bibliothèque. Il l’aimait d’un amour jaloux. Chaque jour il s’y rendait dès sept heures du matin, et là, sur un grand bureau d’acajou, il cataloguait. Les fiches écrites de sa main remplissaient le cartonnier monumental dressé près de lui et que surmontait le buste en plâtre d’Alexandre d’Esparvieu, les cheveux en coup de vent, le regard sublime, portant, comme Chateaubriand, la patte de lièvre au bord de l’oreille, la bouche arrondie, la poitrine nue. À midi sonnant, M. Sariette allait déjeuner, dans l’étroite et sombre rue des Ca-