Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/35

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Sorti, après quelques instants, de sa profonde stupeur, le bibliothécaire s’approcha de la table et reconnut, dans cet amas confus, ses bibles hébraïques, grecques et latines les plus précieuses, un talmud unique, des traités rabbiniques imprimés et manuscrits, des textes araméens et samaritains, des rouleaux de synagogue, enfin les plus précieux monuments d’Israël entassés, écroulés et béants.

M. Sariette se trouvait en présence d’une chose impossible à comprendre, et pourtant il faisait effort pour se l’expliquer. Avec quel empressement il eût embrassé l’idée que M. Gaétan, qui n’avait pas de principes et qui s’autorisait de ses funestes libéralités envers la bibliothèque pour y puiser à pleines mains durant ses séjours à Paris, était l’auteur de ce désordre épouvantable. Mais M. Gaétan voyageait alors en Italie. Après quelques instants de réflexion, M. Sariette supposa que, tard dans la soirée, M. René d’Esparvieu avait emporté les clefs de son valet de chambre, Hippolyte, qui, depuis vingt-cinq ans, entretenait les pièces du second étage et les combles. M. René d’Esparvieu ne travaillait jamais la nuit et ne lisait