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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/366

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chargé de fermer le magasin, trouva le corps de l’antiquaire encore chaud. Il appela la concierge, madame Lenain, qui étendit Guinardon sur un canapé, alluma deux bougies, mit un brin de buis dans une soucoupe pleine d’eau bénite et ferma les yeux au défunt. Le médecin chargé de constater le décès l’attribua à une congestion.

Avertie par madame Lenain, Zéphyrine accourut et veilla le mort. Il avait l’air de dormir. À la lueur tremblante des bougies, le Saint du Gréco montait comme une fumée ; les ors des primitifs brillaient dans l’ombre. Près du lit mortuaire, on voyait distinctement une petite femme de Baudouin qui prenait un remède. Toute la nuit, on entendit à cinquante pas dans la rue Zéphyrine se lamenter. Elle disait :

— Il est mort, il est mort, mon ami, mon dieu, mon tout, mon amour… Non ! il n’est pas mort, il remue. C’est moi, Michel, c’est moi, ta Zéphyrine : réveille-toi, écoute-moi. Réponds-moi : je t’aime ; si je t’ai fait de la peine, pardonne-moi… Mort ! mort ! oh ! mon Dieu, voyez : qu’il est beau ! Il était si bon, si intelli-