Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/45

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de l’imprudent bibliothécaire. M. Sariette tomba évanoui…

Depuis lors les choses ne firent qu’empirer. Les livres quittaient plus abondants que jamais la tablette assignée, et parfois il était impossible de les y réintégrer : ils disparaissaient. M. Sariette relevait chaque jour des pertes nouvelles. Les Bollandistes étaient dépareillés, trente volumes d’exégèse manquaient. Il n’était plus reconnaissable ; sa tête devenait grosse comme le poing et jaune comme un citron ; son cou s’allongeait démesurément, ses épaules tombaient ; les vêtements qu’il portait semblaient pendus à un clou. Il ne mangeait plus, et à la crémerie des Quatre-Évêques, l’œil morne et la tête baissée, il regardait fixement, sans la voir, la soucoupe où, dans un jus trouble, baignaient ses pruneaux. Il n’entendait pas le père Guinardon annoncer qu’il restaurait enfin les peintures de Delacroix à Saint-Sulpice.

M. René d’Esparvieu, aux rapports alarmants du malheureux conservateur, répondait sèchement :

— Ces livres sont égarés : ils ne sont pas