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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/99

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avait sur le guéridon d’argent et de bijoux, s’il consentait à ne pas bouger.

Parmi ses surprises et ses épouvantements, il lui vint l’idée que son mari, dissimulant ses soupçons, l’avait fait suivre, avait aposté des témoins, requis le commissaire de police. En une seconde, elle vit distinctement un long et douloureux avenir, l’éclat d’un scandale mondain, le mépris affecté, le lâche abandon de ses amies, les justes moqueries de la société, car enfin il est ridicule de se faire prendre. Elle vit le divorce, la perte de son rang et de sa situation. Elle vit son existence étroite et chagrine chez sa mère, où personne ne lui ferait la cour, car les hommes s’éloignent des femmes qui ne leur donnent pas la sécurité de l’état conjugal. Et pourquoi tout cela ? Pourquoi cette ruine, ce désastre ? Pour une bêtise, pour rien. Ainsi parla, dans un éclair, la conscience de Gilberte des Aubels.

— Ne craignez pas, madame, dit une voix très douce.

Elle fut un peu rassurée et trouva la force de demander :

— Qui êtes-vous ?