Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/173

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annoncé se réaliser de point en point. Je vous quitte. Adieu.

Et il disparut à sa manière, qui était étrangement soudaine. Je demeurai seul, devant ce ballon de verre, hésitant à le déboucher, de peur qu’il ne s’en échappât quelque exhalaison stupéfiante. Je songeais que, peut-être, M. d’Astarac y avait introduit, selon l’art, des vapeurs qui endorment ceux qui les respirent en leur donnant des rêves de Salamandres. Je n’étais pas encore assez philosophe pour me soucier d’être heureux de cette façon. Peut-être, me disais-je, ces vapeurs disposent à la folie. Enfin, j’avais assez de défiance pour songer un moment à aller dans la bibliothèque demander conseil à M. l’abbé Coignard, mon bon maître. Mais je reconnus tout de suite que ce serait prendre un soin inutile. Dès qu’il m’entendra parler, me dis-je, de poudre solaire et de Génies de l’air, il me répondra : « Jacques Tournebroche, souvenez-vous, mon fils, de ne jamais ajouter foi à des absurdités, mais de vous en rapporter à votre raison en toutes choses, hors aux choses de notre sainte religion. Laissez-moi ces ballons et cette poudre, avec toutes les autres folies de la cabbale et de l’art spagyrique. »