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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/180

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et ne pensez pas qu’à vous. Il ne faut pas être égoïste en amour. C’est ce que les jeunes gens ne savent pas assez. Mais on les forme.

Nous nous plongeâmes dans l’abîme des délices. Après quoi, la divine Jahel me dit :

— Avez-vous un peigne? Je suis faite comme une sorcière.

— Jahel, lui répondis-je, je n’ai point de peigne ; j’attendais une Salamandre. Je vous adore.

— Adorez-moi, mon ami, mais soyez discret. Vous ne connaissez pas Mosaïde.

— Quoi ! Jahel ! est-il donc si terrible à cent trente ans, dont il passa soixante-quinze dans une pyramide ?

— Je vois, mon ami, qu’on vous a fait des contes sur mon oncle, et que vous avez eu la simplicité de les croire. On ne sait pas son âge ; moi-même je l’ignore, je l’ai toujours connu vieux. Je sais seulement qu’il est robuste et d’une force peu commune. Il faisait la banque à Lisbonne, où il lui arriva de tuer un chrétien, qu’il avait surpris avec ma tante Myriam. Il s’enfuit et m’emmena avec lui. Depuis lors, il m’aime avec la tendresse d’une mère. Il me dit des choses qu’on ne dit qu’aux