Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/181

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petits enfants, et il pleure en me regardant dormir.

— Vous habitez avec lui ?

— Oui, dans le pavillon du garde, à l’autre bout du parc.

— Je sais, on y va par le sentier des Mandragores. Comment ne vous ai-je pas rencontrée plus tôt ? Par quel sort funeste, demeurant si près de vous, ai-je vécu sans vous voir ? Mais, que dis-je, vivre ? Est-ce vivre que ne vous point connaître ? Vous êtes donc renfermée dans ce pavillon ?

— Il est vrai que je suis très recluse et que je ne puis aller comme je le voudrais dans les promenades, dans les magasins et à la comédie. La tendresse de Mosaïde ne me laisse point de liberté. Il me garde en jaloux et, avec six petites tasses d’or qu’il a emportées de Lisbonne, il n’aime que moi au monde. Comme il a beaucoup plus d’attachement pour moi qu’il n’en eut pour ma tante Myriam, il vous tuerait, mon ami, de meilleur cœur qu’il n’a tué le Portugais. Je vous en avertis pour vous rendre discret et parce que ce n’est pas une considération qui puisse arrêter un homme de cœur. Êtes-vous de qualité et fils de famille, mon ami ?