Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rois et de l’empereur, est investi du droit de lier et de délier ; le plus respectable homme, la plus honnête dame n’entreront au ciel que s’il leur en donne l’accès. Mais dites-moi, s’il vous plaît, Tournebroche, mon fils, à quel endroit de mon récit j’en étais quand j’en embrouillai le fil à ce grand saint Pierre, le prince des apôtres. Je crois pourtant que je vous parlais d’un verre de vin blanc que je bus à l’aube. Je descendis en chemise à l’office et tirai d’une certaine armoire, dont la veille je m’étais prudemment assuré la clef, une bouteille que je vidai avec plaisir. Après quoi, remontant l’escalier, je rencontrai entre les deuxième et troisième étages une petite demoiselle en pierrot, qui descendait les degrés. Elle parut très effrayée et s’enfuit au fond du corridor. Je la poursuivis, je la rejoignis, je la saisis dans mes bras et je l’embrassai par soudaine et irrésistible sympathie. Ne m’en blâmez point, mon fils ; vous en eussiez fait tout autant à ma place, et peut-être davantage. C’est une jolie fille, elle ressemble à la chambrière de la baillive, avec plus de vivacité dans le regard. Elle n’osait crier. Elle me soufflait à l’oreille : « Laissez-moi, laissez-moi, vous êtes fou ! » Voyez, Tournebroche, je porte encore