Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/214

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pas. S’il en était autrement, j’invoquerais l’exemple du bienheureux évêque de Genève, qui ne se faisait pas scrupule de tricher au jeu. Mais je ne puis me défendre de faire réflexion que les hommes sont plus délicats au jeu que dans les affaires sérieuses et qu’ils mettent la probité dans le trictrac où elle les gêne médiocrement, et ne la mettent pas dans une bataille ou dans un traité de paix, où elle serait importune. Élien, monsieur, a écrit en grec un livre dés stratagèmes, qui montre à quel excès la ruse est portée chez les grands capitaines.

— L’abbé, dit M. d’Anquetil, je n’ai pas lu votre Élien, et ne le lirai de ma vie. Mais j’ai fait la guerre comme tout bon gentilhomme. J’ai servi le Roi pendant dix-huit mois. C’est l’emploi le plus noble. Je vais vous dire en quoi il consiste exactement. C’est un secret que je puis bien vous confier, puisqu’il n’y a pour l’entendre ici que vous, des bouteilles, monsieur, que je vais tuer tout à l’heure, et cette fille qui se déshabille.

— Oui, dit Catherine, je me mets en chemise, parce que j’ai trop chaud.

— Eh bien ! reprit M. d’Anquetil, quoi que disent les gazettes, la guerre consiste unique-