Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/227

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M. le traitant, qui tomba de son long sur le pavé en criant : « Il m’a tué ! » Et, comme il nageait dans le vin de la bouteille, il y avait apparence qu’il fût assassiné. Ses deux laquais se voulurent jeter sur le meurtrier, et l’un d’eux, qui était robuste, croyait déjà le saisir, quand M. l’abbé Coignard lui donna de la tête un si grand coup dans l’estomac que le drôle alla rouler dans le ruisseau tout contre le financier.

Il se releva pour son malheur et, s’armant d’une torche encore ardente, se jeta dans l’allée d’où lui venait son mal. Mon bon maître n’y était plus : il avait enfilé la venelle. M. d’Anquetil y était encore avec Catherine, et ce fut lui qui reçut la torche sur le front. Cette offense lui parut insupportable; il tira son épée et l’enfonça dans le ventre du malencontreux coquin, qui apprit ainsi, à ses dépens, qu’il ne faut pas s’en prendre à un gentilhomme. Cependant mon bon maître n’avait point fait vingt pas dans la rue, quand le second laquais, grand diable aux jambes de faucheux, se mit à courir après lui en criant à la garde et en hurlant : « Arrêtez-le ! » Il le gagna de vitesse et nous vîmes qu’à l’angle de la rue Saint-Guillaume, il étendait déjà le bras