Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/228

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pour le saisir par le collet. Mais mon bon maître, qui savait plus d’un tour, vira brusquement et, passant à côté de son homme, l’envoya, d’un croc-en-jambe, contre une borne où il se fendit la tête. Cela se fit tandis que nous accourions, M. d’Anquetil et moi, au secours de M. l’abbé Coignard, qu’il convenait de ne point abandonner en ce danger pressant.

— L’abbé, dit M. d’Anquetil, donnez-moi la main : vous êtes un brave homme.

— Je crois, en effet, dit mon bon maître, que j’ai été quelque peu homicide. Mais je ne suis pas assez dénaturé pour en tirer gloire. Il me suffit qu’on ne m’en fasse pas un trop véhément reproche. Ces violences ne sont point dans mes usages, et, tel que vous me voyez, monsieur, j’étais mieux fait pour enseigner les belles-lettres dans la chaire d’un collège, que pour me battre avec des laquais, au coin d’une borne.

— Oh ! reprit M. d’Anquetil, ce n’est pas le pire de votre affaire. Mais je crois que vous avez assommé un fermier général.

— Est-il bien vrai ? demanda l’abbé.

— Aussi vrai que j’ai poussé mon épée dans quelque tripe de cette canaille.