Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/26

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Et elle sortit de la rôtisserie, en éclatant de rire.

Mon père, se tournant alors vers l’abbé, qui grattait un os avec son couteau :

— C’est comme j’ai l’honneur de le dire à Votre Grâce : chaque leçon de lecture et d’écriture que ce capucin donne à mon enfant, je la paie d’un gobelet de vin et d’un fin morceau, lièvre, lapin, oie, voire géline ou chapon. C’est un ivrogne et un débauché !

— N’en doutez point, répondit l’abbé.

— Mais s’il ose jamais mettre le pied sur mon seuil, je le chasserai à grands coups de balai.

— Ce sera bien fait, dit l’abbé. Ce capucin est un âne, et il enseignait à votre fils bien moins à parler qu’à braire. Vous ferez sagement de jeter au feu cette Vie de sainte Catherine, cette prière pour les engelures et cette histoire de loup-garou, dont le frocard empoisonnait l’esprit de votre fils. Au prix où frère Ange donnait ses leçons, je donnerai les miennes ; j’enseignerai à cet enfant le latin et le grec, et même le français, que Voiture et Balzac ont porté à sa perfection. Ainsi, par une fortune doublement singulière et favorable, ce Jacquot Tournebroche deviendra savant et je mangerai tous les jours.