Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/263

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dices à un seigneur si luxurieux et si violent ?

Mon bon maître ne parut point m’entendre.

— Ma tabatière, dit-il, s’est malheureusement ouverte cette nuit, pendant la rixe, et le tabac qu’elle contenait ne forme plus, mêlé au vin dans ma poche, qu’une pâte dégoûtante. Je n’ose demander à Criton de m’en râper quelques feuilles, tant le visage de ce serviteur et juge paraît sévère et froid. Je souffre d’autant plus de ne pouvoir priser, que le nez me démange vivement à la suite du choc que j’y reçus cette nuit, et vous me voyez tout importuné par cet indiscret solliciteur à qui je n’ai rien à donner. Il faut supporter cette petite disgrâce d’une âme égale, en attendant que M. d’Anquetil me donne quelques grains de sa boîte. Et, pour revenir, mon fils, à ce jeune gentilhomme, il me dit expressément : « J’aime cette fille. Sachez, l’abbé, que je l’emmène en poste avec nous. Dussé-je rester ici huit jours, un mois, six mois et plus, je ne pars point sans elle. » Je lui représentai les dangers que le moindre retard apportait. Mais il me répondit que ces dangers le touchaient d’autant moins qu’ils étaient grands pour nous et petits pour lui. « Vous, l’abbé, me dit-il, vous êtes dans le