Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/264

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cas d’être pendu avec le Tournebroche ; quant à moi, je risque seulement d’aller à la Bastille, où j’aurai des cartes et des filles, et d’où ma famille me tirera bientôt, car mon père intéressera à mon sort quelque duchesse ou quelque danseuse, et, bien que ma mère soit devenue dévote, elle saura se rappeler, en ma faveur, au souvenir de deux ou trois princes du sang. Aussi est-ce une chose assurée : je pars avec Jahel, ou je ne pars pas du tout. Vous êtes libre, l’abbé, de louer une chaise de poste avec le Tournebroche. »

» Le cruel savait assez, mon fils, que nous n’en avions pas les moyens. J’essayai de le faire revenir sur sa détermination. Je fus pressant, onctueux et même parénétique. Ce fut en pure perte, et j’y dépensai vainement une éloquence qui, dans la chaire d’une bonne église paroissiale, m’eût valu de l’honneur et de l’argent. Hélas ! il est dit, mon fils, qu’aucune de mes actions ne portera de fruits savoureux sur cette terre, et c’est pour moi que l’Ecclésiaste a écrit : Quid habet amplius homo de universo labore suo, quo laborat sub sole ? Loin de le rendre plus raisonnable, mes discours fortifiaient ce jeune seigneur dans son obstination, et je ne vous celerai pas, mon fils, qu’il me