Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noyés de larmes. Ses soupirs soulevaient sa barbe et sa poitrine. Il me dit d’un ton qui faisait peine :

— Hélas ! monsieur Jacques, l’heure de l’épreuve est venue en Babylone, selon qu’il est dit dans les prophètes. Sur la plainte faite par M. de la Guéritaude à M. le lieutenant de police, mam’selle Catherine a été conduite à l’hôpital par les exempts, et elle sera envoyée à l’Amérique par le prochain convoi. J’en tiens la nouvelle de Jeannette la vielleuse qui au moment où Catherine entrait en charrette à l’hôpital, en sortait elle-même, après y avoir été retenue pour un mal dont elle est guérie à st’heure par l’art des chirurgiens, du moins Dieu le veuille ! Pour ce qui est de Catherine, elle ira aux îles sans rémission.

Et frère Ange, à cet endroit de son discours, se mit à pleurer abondamment. Après avoir tenté d’arrêter ses pleurs par de bonnes paroles, je lui demandai s’il n’avait rien autre chose à me dire.

— Hélas ! monsieur Jacques, me répondit-il, je vous ai confié l’essentiel, et le reste flotte dans ma tête comme l’esprit de Dieu sur les eaux, sans comparaison. C’est un chaos obscur. Le malheur de Catherine m’a ôté le sentiment.