Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/379

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— Hélas ! m’écriai-je, ne me prîtes-vous donc, Jahel, que pour aiguiser les désirs d’un rival ?

— J’admire que vous veuillez me quereller, vous aussi ! Allez, vous dis-je !

— Eh quoi ! vous quitter de la sorte ?

— Il le faut, adieu ! Qu’il ne vous trouve pas ici. Je veux bien lui donner de la jalousie, mais avec délicatesse. Adieu, adieu !

À peine avais-je fait quelques pas dans le labyrinthe des tombes, que M. d’Anquetil, s’étant approché d’assez près pour reconnaître sa maîtresse, fit des cris et des jurements à réveiller tous ces morts de village. J’étais impatient d’arracher Jahel à sa rage. Je pensais qu’il l’allait tuer. Déjà je me glissais à son secours dans l’ombre des pierres. Mais, après quelques minutes, pendant lesquelles je les observai très attentivement, je vis M. d’Anquetil la pousser hors du cimetière et la ramener à l’auberge de Gaulard avec un reste de fureur qu’elle était bien capable d’apaiser seule et sans secours.

Je rentrai dans ma chambre lorsqu’ils eurent regagné la leur. Je ne dormis point de la nuit, et, les guettant à l’aube, par la fente des rideaux, je les vis traverser la cour de