Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/53

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— Je pense, dit-elle, qu’il faut être aussi sainte qu’elle pour en faire autant sans pécher. Aussi, ne m’y risquerais-je point.

— Pour moi, dit l’abbé, d’accord avec les docteurs les plus subtils, j’approuve la conduite de cette sainte. Elle est une leçon aux honnêtes femmes, qui s’obstinent avec trop de superbe dans leur altière vertu. Il y a quelque sensualisme, si l’on y songe, à donner trop de prix à la chair et à garder avec un soin excessif ce qu’on doit mépriser. On voit des matrones qui croient avoir en elles un trésor à garder et qui exagèrent visiblement l’intérêt que portent à leur personne Dieu et les anges. Elles se croient une façon de Saint-Sacrement naturel. Sainte Marie l’Égyptienne en jugeait mieux. Bien que jolie et faite à ravir, elle estima qu’il y aurait trop de superbe à s’arrêter dans son saint pèlerinage pour une chose indifférente en soi et qui n’est qu’un endroit à mortifier, loin d’être un joyau précieux. Elle le mortifia, madame, et elle entra de la sorte, par une admirable humilité, dans la voie de la pénitence où elle accomplit des travaux merveilleux.

— Monsieur l’abbé, dit ma mère, je ne vous entends point. Vous êtes trop savant pour moi.