Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Roi n’est qu’une bouquinerie auprès de la mienne, à moins que vous considériez uniquement le nombre des volumes et la masse du papier noirci. Gabriel Naudé et votre abbé Bignon, bibliothécaires renommés, n’étaient près de moi que les pasteurs indolents d’un vil troupeau de livres moutonniers. Quant aux Bénédictins, j’accorde qu’ils sont appliqués, mais ils n’ont point d’esprit et leurs bibliothèques se ressentent de la médiocrité des âmes qui les ont formées. Ma galerie, monsieur, n’est point sur le modèle des autres. Les ouvrages que j’y ai rassemblés composent un tout qui me procurera sans faute la Connaissance. Elle est gnostique, œcuménique et spirituelle. Si toutes les lignes tracées sur ces innombrables feuilles de papier et de parchemin vous entraient en bon ordre dans la cervelle, monsieur, vous sauriez tout, vous pourriez tout, vous seriez le maître de la nature, le plasmateur des choses ; vous tiendriez le monde entre les deux doigts de votre main, comme je tiens ces grains de tabac.

À ces mots, il tendit sa boîte à mon bon maître.

— Vous êtes bien honnête, dit M. l’abbé Coignard.