Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/117

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lèvres retroussées, prit un moment l’aspect d’un vieux faune. On dit même, on dit que, dans les arbres chargés de neige, les moineaux joignirent leur chant à celui de leurs imitateurs. Pour moi, je l’avoue à ma honte, songeant que Mouron serait convié au banquet de la Saint-Charlemagne, j’en éprouvais une vive contrariété. Une gloire partagée avec Mouron me déplut et je cessai de me promettre honneur et joie d’une table où je serais assis à côté de lui. Je confesse ces sentiments et pourtant je demande, comme Jean-jacques Rousseau, s’il est un lecteur qui se croira meilleur que moi. En cette journée, où je montrai une âme si faible et si vaine, mon humiliation fut grande. M. Beaussier publia qu’à l’endroit de l’aoriste j’étais d’une ignorance crasse et que, dans mon thème, j’avais commis un nombre de fautes qui n’était dépassé que par Morlot, Laboriette et Chazal.

Je rentrai fort maussade à la maison et courus rejoindre Justine à la cuisine où elle épluchait des carottes avec un couteau redoutable. Ses bras nus étaient zébrés jusqu’à la saignée d’égratignures, de coupures, de déchirures et de toutes sortes d’estafilades. La