Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/132

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à la fiévreuse recherche de l’infini ; c’est le désespoir caché sous l’ironie la plus mordante.

Que sais-je encore ? J’en frissonnais d’épouvante et d’admiration.

Les discussions politiques entre ces deux hommes si différents d’esprit et de nature, étaient tout aussi violentes que les discussions littéraires, mais beaucoup plus courtes. En politique, mon parrain ne connaissait que Napoléon, M. Ribert regrettait Louis Le Hutin. C’est sous le règne de Louis Le Hutin qu’il eût voulu vivre : il en jurait tous les saints. Mon parrain croyait qu’il plaisantait ; c’était une grande erreur. Marc Ribert ne plaisantait jamais et ce sérieux qu’il gardait dans la folie lui donnait une grande autorité sur l’esprit d’un enfant comme moi. Cette idée qu’il eût fait bon vivre sous le règne de Louis Le Hutin m’entra si fort dans l’esprit que je l’exprimais à tout moment à ma mère, à ma bonne Justine et à mes camarades de classe.

Un jour, pendant la récréation de midi, je la confiai à Fontanet, qui, d’un esprit plus judicieux et plus élevé, me répondit qu’il aurait voulu vivre sous le règne de saint Louis.

Je n’étais jamais allé chez M. Marc Ribert,