Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/159

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Desrais parlait souvent de ses cravates, dont il vantait la forme et la couleur ; il me confiait aussi ses progrès en équitation et l’espoir que sa mère, aux vacances, lui donnerait un cheval. Quand il jugeait que la répétition avait assez duré, il secouait le torchon poudreux sur le maître endormi, bouche bée, qui s’éveillait en sursaut, suffoquant dans un nuage de craie.

J’appris peu de géométrie dans ces répétitions, mais j’y goûtai les plaisirs très doux de l’amitié. Voir Desrais, causer et rire avec lui m’était infiniment agréable. Dès lors, je recherchai sa compagnie et me mêlai à ses jeux. Quand la mode fut aux échasses, Desrais, qui suivait toujours la mode, s’en procura une paire. Je l’imitai et me hissai sur des échasses aussi hautes que les siennes, malgré une horrible peur de tomber, que justifiait ma maladresse. Désormais, je ne manquais plus une partie de barres ni de ballon, moi qui n’avais éprouvé jusque-là que du dégoût pour ces jeux. Sans me flatter, j’ai toujours eu de la propension à la libéralité ; encore me fallait-il une occasion de l’exercer. J’en trouvai dès lors un perpétuel sujet. Ayant remarqué que Desrais aimait la papeterie, je lui donnai les cahiers les plus beaux qui se pussent trouver