Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/200

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Le lendemain matin, je doutais si je me figurais la vie militaire dans sa vérité.

Fontanet vint me voir de bonne heure et m’aborda avec cet air de supériorité qu’il ne quittait jamais. Il m’avertit qu’il me fallait prendre mes inscriptions sans tarder et qu’il m’accompagnerait, le jour même, au secrétariat de l’École où il était connu. Je le priai de n’en rien faire ; je lui dis que je renonçais au droit, et pour quelles raisons. Il ne voulut rien entendre et m’assura qu’avec un peu d’exercice, je plaiderais aussi bien qu’un autre, qu’il n’y fallait point de facultés supérieures. Il fréquentait le Palais ; il y connaissait un avocat qui, frappé d’une amnésie presque complète, parlait fort bien à l’aide de notes écrites sur un papier grand comme la main. Il avait entendu un avocat bègue, à qui la langue fourchait constamment et qui, par surcroît, aboyait tout à coup comme un chien, défendre très proprement une cause difficile et finalement la gagner.

— Je ne prétends pas, ajouta Fontanet, que tu sois particulièrement bien doué. Mais par un travail opiniâtre on fait des prodiges. Labor improbus, comme disait Crottu qui te reprochait