Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/199

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lents, silencieux, le cœur plein de tous les dévouements et de tous les sacrifices, et la taille prise dans un élégant dolman. Puis on apprenait au mess que la guerre était déclarée. On s’y préparait avec un calme imposant et cette résolution que David a su imprimer aux traits de Léonidas et de ses trois cents Spartiates. Nous partîmes. Je chevauchais avec mes hommes ; les routes fuyaient sous nos pas, emportant sans fin les champs, les villages, les forêts, les rochers, les fleuves. Tout à coup, nous rencontrâmes l’ennemi. Je combattis sans haine. Nous fîmes des prisonniers. Je les traitai avec humanité et veillai à ce que les blessés ennemis fussent soignés aussi bien que les nôtres. À la seconde rencontre, qui fut terrible, je fus décoré sur le champ de bataille. À dire vrai, je faisais un bel officier. On me logea avec plusieurs camarades dans un château qui dominait les bois et qu’habitait seule une comtesse d’une grande beauté, dont le mari était général ; mais c’était un brutal et elle ne l’aimait pas. Nous nous aimâmes l’un l’autre d’un amour déchirant et ravissant. Les ennemis furent vaincus et dès lors tous me devinrent chers.