Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/222

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mère Cochelet[1] assise sur une marche de l’escalier, la tête entre les genoux et suffoquant. Elle était vraiment hideuse, la loupe qui lui bouchait l’œil droit était maintenant grosse comme le poing, et de cet œil bouché coulaient, sur une joue tachée de terre, des larmes visqueuses et rouillées. Son bonnet sale et son serre-tête noir, secoués par la toux, découvraient un crâne chauve et crasseux. De grosses boucles d’or qui pendaient à ses oreilles achevaient sa hideur. J’eus le tort, en passant devant elle, de hâter le pas et de détourner la tête. Tout soufflant, elle m’appela d’une voix rude.

Je m’approchai d’elle. Elle me regardait d’un gros œil mauvais :

— Mon petit ami, n’est-ce pas qu’en m’entendant souffler, vous vous êtes dit : « C’est un phoque ! », car, si vous aviez pensé que j’étais une femme, vous m’auriez tiré votre chapeau.

Elle laissa retomber sa tête sur ses genoux et recommença de souffler.

Je rougis, balbutiai des excuses et lui offris mon bras pour monter l’escalier. Elle le refusa

  1. La mère Cochelet. Voir le Petit Pierre, p. 159.