Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/221

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Mon parrain, qui était le meilleur et le plus accommodant des hommes, chicanait quelquefois M. Dubois sur son amour de l’antique. Mon parrain trouvait l’antique beau mais froid, et ne parlant pas au cœur. Il aimait, comme Gautier, les vieux tableaux de l’école allemande et les primitifs italiens.

Un jour qu’il vantait les maîtres du Quattrocento, M. Dubois lui donna raison.

— Je tiens Mantegna, dit-il, pour un très grand maître. J’ai trouvé de ce peintre à Vérone, il y a une trentaine d’années, un Christ au Tombeau d’un dessin impérieux et puissant. C’est un superbe ouvrage.

Et, se tournant vers moi :

— Mon enfant, il faudra que je te le fasse voir.

Cette fois la visite fut décidée ; on prit jour, il m’en souvient, pour le jeudi après Pâques. Je mis mes plus beaux habits et pris mon chapeau de haute forme, car, à cette époque, le melon n’était pas toléré même aux très jeunes gens. Et à une heure et demie, je sortis de chez moi très ému.

Sitôt sur le palier, j’entendis souffler, comme autrefois soufflait ma bonne Mélanie, et vis la