Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous arrivâmes à la maison, en retard et en désordre, Justine indécemment crottée.

— Comme vous êtes faite, ma fille, lui dit ma mère.

Justine courut à la cuisine, et, pour rattraper le temps perdu, elle versa un boisseau de charbon dans le fourneau. Elle pleurait. Les reflets du brasier empourpraient son visage et enflammaient ses larmes comme celles que versait, dans Troie incendiée, la fille de Priam, trop aimée d’Apollon :

Ad coelum tendens ardentia lumina, frustra.

Je désespérais de trouver un pauvre honteux. Mais, à quelques jours de là, Fontanet, pendant la récréation de midi, conta à La Chesnais nos projets et nos mécomptes avec un art accompli d’en rejeter tout le ridicule sur moi, et il demanda si La Chesnais connaissait un pauvre honteux, un pauvre qui ne mendie pas. La Chesnais jouissait parmi nous de la plus haute estime.

Il répondit que sa mère avait secouru un pauvre de cette espèce.

— Il est mort, mais il a laissé une veuve et