Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mère à vivre en faisant des portraits d’enfants et voyait avec résignation la main sale du photographe logé sur le toit de sa maison, dans une cage de verre, lui tirer toutes ses clientes. Laborieuse au delà de tout ce qu’on peut imaginer, elle savait quatre ou cinq langues, avait lu une infinité de livres et était assez bonne musicienne.

Mon parrain découpait lui-même les grosses pièces et servait en faisant parvenir les parts à ses invités, vieil usage, suivi autrefois dans les meilleures maisons. Le prince de Talleyrand, réputé pour le plus accompli des amphitryons, en usait de la sorte. Il découpait lui-même les viandes et en faisait passer une part à chacun en mesurant la civilité de l’offre au rang des convives. M. Amédée Pichot, le fondateur de la Revue Britannique, a conté comment l’archichancelier envoyait du bœuf aux princes et aux ducs en déclarant que ce lui serait un très grand honneur de voir cette offre agréée, puis aux personnages de quelque distinction en les priant d’accepter ce bœuf, et enfin aux convives du bas bout en frappant la table du manche de son couteau et en les interrogeant d’un seul mot « bœuf ? ». M. Danquin,