Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/266

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— Elle porte les caractères d’une bestialité profonde, dit-il, mais c’est bien la mâchoire d’un homme.

— Parrain, quand vivait cet homme ?

— Qui peut le dire ? Il vivait… il y a deux cent… trois cent mille ans… et peut-être davantage. Et la terre était déjà bien vieille alors.

M. Danquin promenant ses regards lunettiers sur ses armoires et les embrassant d’un geste aussi large qu’il lui était possible de le faire :

— La terre !… quand vécut cet homme-là, elle avait déjà produit des générations innombrables de plantes et d’animaux. Des races de madrépores, de mollusques, de poissons, de reptiles, d’amphibies, d’oiseaux, de marsupiaux, de mammifères, s’étaient épuisées sur son sein. Oui, elle était déjà bien vieille ! L’époque des grands sauriens était passée depuis de longs âges. Le mastodonte, dont vous voyez ici quelques débris, avait disparu.

Philippine Gobelin prit dans sa main la pointe pétrifiée d’une défense et récita d’un ton pénétré les vers du Caïn de Lord Byron