Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/267

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qui évoquent ces vieux règnes descendus tout entiers, avant la naissance de l’homme, dans les abîmes de la mort.

… And those enormous creatures…
And tusks projecting like the trees stripp’d of
Their bark and branches…

« Et ces créatures énormes, ces fantômes… Ils ressemblent aux habitants sauvages de cette terre, aux plus gigantesques d’entre eux qui mugissent la nuit dans la profondeur des forêts, mais ils sont dix fois plus terribles et plus grands… Leurs défenses s’étendent comme des arbres dépouillés de leur écorce… Les débris de ces monstres gisent par myriades dans les entrailles de la terre ; aucun d’eux ne vit à sa surface. »

En entendant ces vers d’un poète négligé aujourd’hui mais dont la voix n’avait pas alors perdu son accent sur les cœurs, je me sentis envahi par un délicieux désespoir à la pensée de ces abîmes de la mort qui, après avoir englouti ces générations innombrables de monstres et tant de flores, et tant de faunes, étaient prêts à se refermer sur nos fleurs et sur nous, et la vie humaine me parut d’une brièveté qui, rendant vains le désir, l’espérance et l’effort,