Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/270

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par le grand vide, se réunirent les semences de la terre, de l’air et de la mer, comment le globe liquide du monde commença à se durcir, à renfermer Nérée dans l’océan, et lui-même à prendre peu à peu les formes des choses ; il disait comme déjà la terre s’étonnait de voir briller le soleil nouveau, et comme les pluies tombaient des nuages plus élevés. Alors, pour la première fois, des forêts commençaient à croître et de rares animaux erraient sur les montagnes inconnues. Puis il dit les pierres jetées par Pyrrha, le règne de Saturne, les oiseaux du Caucase et le larcin de Prométhée.

Ce jour-là, je ne suivis pas Silène plus loin. J’admirais sous les voiles irisés de la poésie cette solide philosophie de la nature ! Après être entré dans ces vues profondes des origines de la terre, comment supporter les cosmogonies orientales et leurs fables barbares ? Virgile prête à son Silène le langage de Lucrèce et des grecs alexandrins. Et il se fait ainsi une idée de l’origine de la terre qui s’accorde d’une façon inattendue avec la science moderne. On croit volontiers aujourd’hui que le soleil, porté à une température très haute, étendait sa sphère immense au delà de l’orbite actuelle