Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/279

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pour la plupart à des familles modestes de savants et d’artistes. Les hommes venaient en jaquette, les femmes en robe montante. Point de luxe, aucune élégance, mais de la bonhomie et de la gaîté.

On retrouvait tous les samedis la même compagnie : Marthe et Claudius Bondois, Edmée Girey et Madeleine Delarche, les deux cousines, celle-ci longue, pâle, les yeux au ciel, celle-là fraîche, courte, robuste et rieuse, l’amour sacré et l’amour profane. Et l’on disait que l’amour sacré aurait une très jolie dot. On y retrouvait encore deux ou trois neveux et nièces, petits-neveux et petites-nièces de madame Danquin qui, sans enfants, était néanmoins une mère Gigogne ; mon ami Fontanet qui, nouvellement introduit par moi dans la maison, aspirait à la gouverner ; le docteur Renaudin, jeune médecin établi depuis peu dans le quartier et qui s’y faisait une clientèle, petit homme brun, que je trouvais vieux avec ses trente-cinq ans, mais qu’il me fallait bien reconnaître pour le plus fou d’entre nous. Un peu bohème, un peu pédant, traînant des odeurs de bals publics et d’amphithéâtre, il étonnait par la pénétration de son esprit ; sa