Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/280

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conversation grossière à dessein m’intéressait et me choquait. J’étais très ignorant et très curieux des mystères de la nature et trop peu innocent pour n’être pas choqué des révélations brutales qui blessaient mes rêves et déchiraient mes illusions.

Je ne savais pas si j’aimais ou haïssais ce petit homme brun, aux joues bleues, savant et bouffon. Vingt ans plus tard, j’aurais tenu Renaudin pour un bon convive et souhaité de dîner avec lui en compagnie d’Anatole de Montaiglon. Mais au temps dont je parle j’avais des délicatesses.

Élise Guerrier, qui venait d’avoir un prix de piano au Conservatoire, fréquentait chez ces bonnes gens. Je ne sais pourquoi mon parrain préférait Élise Guerrier à toutes les jeunes filles qui couronnaient sa table et fleurissaient sa maison. On n’eût soupçonné aucune affinité entre ce bourgeois poupin, un peu poussah, un peu vieille demoiselle, et la jeune artiste lyrique aux beaux et grands traits, garçonnière et sombre.

Pour moi c’était autre chose. Un sentiment profond et pour ainsi dire inné de l’art antique m’eût fait goûter, sans doute, en Élise Guer-