Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/282

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sortir en éternuant une multitude de génies minuscules, les uns gais, les autres tristes, qui se répandront dans l’univers et, se logeant dans le cerveau des hommes, les rendront plus fous et moins bêtes qu’ils ne sont à présent.

Elle riait, mais elle aurait donné bien volontiers tout son esprit pour le visage d’Edmée Girey ou la taille de Madeleine Delarche.

Je m’en aperçus plusieurs fois et notamment dans une circonstance qui me donna à réfléchir et me fit découvrir pour la première fois les profondeurs du cœur féminin. Mademoiselle Gobelin avait montré ce soir-là, chez M. Danquin, beaucoup d’esprit et dansé avec un art comique très fin je ne sais quelle danse espagnole. Je lui fis un compliment sincère : je lui dis qu’elle avait tant d’esprit qu’elle en montrait non seulement en parlant, mais en chantant, en riant, en dansant. Elle m’écouta d’un air assez maussade. Je lui dis que j’étais émerveillé de la vivacité de son intelligence et poursuivis longtemps la description des facultés intellectuelles que l’on découvrait en elle. Quand j’eus fini, elle me jeta un regard de dédain et détourna la tête. Le docteur Renaudin s’approcha d’elle et lui dit :