Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/291

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matière, je crois pouvoir dire que monsieur et madame Airiau donnaient des bals magnifiques. Toujours est-il que je restai ébloui du premier auquel j’assistai.

Éclairées par des milliers de bougies et de cristaux qui faisaient étinceler les pierreries et les perles, reflétées par ces grandes glaces de Saint-Gobain dont s’émerveillaient alors les hommes les plus graves, environnées de plantes de serre, de bouquets et de gerbes où la nature se montrait aussi artificieuse que l’art, les femmes, coiffées de plumes et les cheveux lustrés comme des ailes d’oiseau, imitant toutes, à l’envi, l’impératrice Eugénie dans leur allure et leur toilette, dans le décolleté et jusque dans la chute gracieuse des épaules, balançant leurs crinolines énormes qui nous semblent aujourd’hui burlesques, mais qui s’imposaient avec l’autorité de la mode et que les prédicateurs en chaire dénonçaient comme de monstrueux atours inventés par les démons de l’enfer, agitant de leurs éventails de plumes l’air chaud et parfumé, parlant à mi-voix, souriant doucement, se mouvant avec volupté, charmaient les hommes mûrs et les vieillards, enivraient les jeunes