Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/293

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comprendre pour admirer. Nous échangeâmes nos impressions qui s’accordaient. Ainsi Dante Alighieri nous rapprocha l’un de l’autre tout spirituellement et d’une manière digne de lui. Et, comme il est dans l’ordre en une société polie, m’avançant du même pas dans la grâce de la femme et dans celle du mari, je fus invité à des soirées intimes et même à des dîners d’hommes.

Il s’y trouvait des financiers, des gens d’affaires, des ingénieurs, un chanteur de l’Opéra, un homme d’État turc, un diplomate persan. Après le dîner, dans le fumoir, notre hôte, prenant une clef dorée, ouvrait un petit meuble de palissandre garni d’une multitude de tiroirs plats et en tirait des cigares noirs ou blonds, grands ou petits, divers de forme et d’arome qu’il offrait avec une prodigalité calculée en mesurant la qualité du cigare à celle de la personne, mais si adroitement qu’il n’y paraissait qu’aux hôtes à qui il présentait la fleur de la Havane. Instruit par cet exemple, je découvris, peu à peu, le fond de parcimonie que recouvrait sa magnificence.

Airiau étudiait alors la gigantesque entreprise qui n’est pas encore réalisée aujourd’hui,