Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/294

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et qui changera l’axe de la civilisation, le chemin de fer de Bagdad. On le tenait pour un esprit très positif, un homme de résultats. Néanmoins, il se proclamait philanthrope et humanitaire. Des vieux saint-simoniens qui avaient formé son esprit, il gardait un idéalisme industriel, une sorte de mysticisme économique, un sentiment poétique de la banque qui imprimaient à ses conceptions les plus mercantiles un caractère de générosité, et eussent communiqué au charlatanisme même l’onction de l’apostolat.

Frappé, disait-il, de l’élan qui emportait les nations vers l’unité, il considérait l’industrie et la banque comme les deux forces bienfaisantes qui, par l’association des peuples, établiront un jour la paix universelle. Mais Français et patriote, et se faisant de la paix une conception napoléonienne, il entendait que l’union des nations fût l’œuvre exclusive de la France et que la France présidât en souveraine les États-Unis du monde.

Quand il traversait l’Asie Mineure, franchissait le Taurus et l’Amanus, l’Euphrate, et longeait le Tigre, ce petit homme brun me remplissait d’admiration. Il remuait les millions