Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/298

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temps l’envie de ne plus penser, l’ivresse de ne plus sentir, le charme de ne plus être.

Je me remis à errer dans les galeries peuplées de statues, parmi ces formes naturelles et savantes, qui expriment, autant que l’harmonie des corps, l’harmonie des mondes, et nous révèlent tout ce que nous pouvons concevoir de l’Univers. Peu à peu, sous cette influence d’un art qui est beauté et raison, je me pénétrai d’idées claires et de pensées sereines. Je me promis de regarder d’un œil tranquille la vie et la mort qui ne sont que les deux aspects de la nature, et se ressemblent comme les deux enfants Éros et Anteros qu’on voit sculptés sur les sarcophages antiques.

Je me rendis ensuite dans les salles assyriennes. Et devant les taureaux ailés, à face humaine, du palais de Sargon, je résolus de partir avec l’ingénieur Airiau pour ces pays vers lesquels m’entraînaient l’espoir de faire ma fortune, une curiosité généreuse et des raisons très diverses, parmi lesquelles le désir de voir le tombeau de Zobéïde n’était peut-être pas la plus faible.

Je crois, sans être sûr, je crois que l’influence de madame Airiau agit d’une façon prépondé-