Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/299

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rante sur ma détermination. C’est elle qui m’avait engagé dans cette entreprise. Ses yeux de violette, sa beauté composée, sa tête exquise avaient exercé un charme sur ma jeunesse. Elle m’attirait. En partant, je m’éloignais d’elle qui restait à Paris, et je partais pour ses beaux yeux dont je perdais ainsi la vue. C’est là un des traits de mon génie.

Mes parents s’inquiétaient pour moi d’un long voyage, plein de fatigues et de périls. Mais considérant l’encombrement des carrières, et respectant ma liberté, ils ne s’opposaient pas à mon entreprise qui leur semblait hardie. Ma mère, quand je lui parlais de ce voyage, me souriait, les yeux gonflés de larmes.

Les rues de Paris, à l’approche de la nouvelle année, ressemblaient à des rangées de gigantesques boîtes de bonbons et de jouets, de fruits confits, de bijouterie et de maroquinerie, que les brumes et les frimas enveloppaient comme d’ouate et de toile d’emballage.

J’allai faire mes adieux à mon pauvre parrain que j’avais beaucoup négligé depuis un an. Je le trouvai assis dans son fauteuil, diminué, la tête grosse comme le poing, les jambes enflées, avec un air inusité de tristesse, très griève-