Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/322

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— Marie Bagration s’est suicidée, dit Viardot, et d’une manière peu habituelle aux femmes. Le matin, on la trouva étendue sur son lit en robe blanche, son collier de perles au cou, la tempe droite percée d’une balle et son revolver à la main.

Je demandai si l’on savait les raisons de cet acte.

— Sa mère est folle, dit Viardot ; son père, le général Bagration, s’est suicidé. Il y a certainement une cause déterminante. Mais je ne la connais pas.

Cyrille agita longtemps ses longues mains. Puis :

— Le public lui prêtait de nombreuses et diverses amours. Chose étrange, ceux qui comme moi la fréquentaient assidûment ne lui ont pas connu d’amant. Mais cela ne veut rien dire. Allons lui dire adieu.

L’atelier du sculpteur était transformé en chambre ardente. Elle y reposait sur un lit, une petite tache ronde marquée sur sa tempe. La flamme vacillante des cierges animait son visage. Seule, sa pâleur tragique annonçait la mort. On retrouvait sur ses traits l’impassibilité qu’elle avait constamment montrée de son