Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poing et du pied, on parvenait à réveiller le portier. Sésame s’ouvrait : et l’on était récompensé de sa peine. La chambre de la comédienne n’était pas riche ; un lit de fer, une commode de noyer et une armoire à glace en composaient tout l’ameublement ; mais elle était d’une propreté, d’une netteté parfaite. Jeanne ornait bizarrement les portes de son logis en y affichant des vers de sa façon, dans un cadre de fleurs peintes à l’aquarelle. Ces vers ne manquaient pas de grâce, mais il s’y trouvait des fautes de prosodie qui me choquaient. On ne les remarquerait pas aujourd’hui. Je vous conte des histoires d’un autre temps.

Un matin que je l’allai voir chez elle, je la trouvai cousant. De grandes lunettes rondes, montées en écaille, chaussaient étrangement son nez. Elle était entourée d’une quantité de vieilles petites boîtes, de vieux petits étuis qui révélaient une ménagère soigneuse. Et c’est ainsi que j’aime le plus me la rappeler.

Un an après notre rencontre, Jeanne Lefuel m’avait tranquillement oublié. Il me souvient toujours d’elle.