Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/56

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selon son habitude, à ce que mon cou et mes oreilles fussent débarbouillés et mes leçons repassées. J’affectai une contenance tranquille : ma résolution était prise. Après avoir déjeuné de pain et de lait, à sept heures trente-cinq, comme de coutume, portant sous le bras ma serviette de molesquine, que j’avais pris soin de ne point trop bourrer de livres, je descendis l’escalier, suivis la Seine argentée et pris la rue qui conduisait au collège. Puis brusquement je tournai à droite et m’engageai dans une rue où, jusqu’à cette heure, je n’avais pas pénétré bien avant, mais que je savais longue et qui permettait de me conduire dans des régions inconnues et délicieuses. Ma joie était vive et si expansive, que je la criai à un petit âne arrêté avec sa charrette de légumes. En vain la sagesse m’avait représenté la gravité de ma faute et les dangers auxquels je m’exposais si elle était connue, ce qui ne pouvait guère manquer, puisque les absences, au collège, étaient relevées et signalées. Je comptais, pour me tirer d’affaire, sur des hasards amis, sur cet heureux désordre qui, régissant les choses humaines, y tempère les rigueurs de la justice.

Et puis, je n’aurais jamais cru payer trop