Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

débuts très remarqués et me demanda si j’aimais Madeleine Brohan ? Et, tirant de la poche de son veston une photographie représentant une très jolie femme blonde, accoudée, les bras nus, au dossier d’une causeuse :

— La voilà, me dit-il, regardez comme elle est belle !

J’admirai qu’il connût si bien les choses du théâtre, dont j’étais curieux et que j’ignorais. Que ne savait-il pas du monde élégant, des arts et des lettres ? Il avait vu Ponsard, il avait causé avec lui de l’Académie française. Il savait la véritable histoire et même le vrai nom de la Dame aux Camélias. Il connaissait intimement le prédicateur qui avait prêché le carême aux Tuileries.

Il me faisait des questions dont il n’attendait pas la réponse.

— Que pensez-vous des tables tournantes ? J’ai vu tourner un guéridon. Ne voudriez-vous pas être Chaix d’Est-Ange ? Moi, je le voudrais. Je voudrais devenir un grand orateur. Mais j’ai été trop malade pour faire des études régulières. Les médecins disent que j’ai encore besoin de beaucoup de ménagements. Ils m’envoient passer l’hiver à Nice.