Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grand âge de notre mère ne permettait de se faire aucune illusion. Elle a été atteinte vendredi d’une pneumonie sénile. La paralysie des intestins s’est produite presque aussitôt. Thérèse, qui supporte mal l’insomnie, est très fatiguée.

Et la mère Séraphine, les mains dans ses manches, me fit un imperceptible signe de tête. Son esprit était grave et sans ornements comme son habit ; sa tristesse s’embellissait de paix. On entendait à travers la porte de la cuisine le perroquet Navarin qui disait :

J’ai du bon tabac
dans ma ta…
et de quoi ? Et de quoi ?

Quand je revins, le soir, les rideaux étaient tirés. Il n’y avait plus de verres, de fioles ni de bouteilles sur la table de nuit ; deux bougies y brûlaient ; une branche de buis trempait dans une soucoupe d’eau bénite. Madame Laroque, les mains jointes sur un crucifix, dormait paisiblement, toute blanche.

— Donne-lui un baiser d’adieu, Pierre, me dit la religieuse, elle t’aimait comme son enfant. Dans les derniers moments où elle