Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/78

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de vent et de courtes pattes de lièvre, à la mode de sa jeunesse, rehaussaient son long visage glabre. Sa face était sévère, son sourire charmant. Il portait d’ordinaire une longue redingote vert bouteille, prisait dans une boîte d’écaille à médaillon et se mouchait dans un vaste foulard rouge.

Il s’était trouvé en relation avec ma famille par sa sœur dont mon père avait été le médecin et l’ami. Après la mort de cette sœur, M. Dubois ne cessa pas de fréquenter notre maison. Il y était très assidu. Si je n’avais pas entendu M. Dubois causer avec mon père, dont il ne partageait les opinions sur aucun sujet, si je ne l’avais pas vu rendre ses devoirs à ma mère, qui était trop simple et trop timide pour encourager les belles manières, je n’aurais pas l’idée du point de perfection auquel un galant homme peut porter le bon ton, la réserve et la politesse. Issu de gros bourgeois de Paris, avocats, magistrats sous l’ancien régime, M. Dubois tenait par son éducation à la vieille société française. On le disait égoïste et parcimonieux. Je crois qu’en effet pour lui la grande affaire était de vivre, et que, menant un train des plus réduits, il ne recherchait pas