Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/79

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les occasions de faire des largesses. C’était un homme d’habitudes, qui aimait la simplicité, la pratiquait, s’en faisait à la fois un agrément et une vertu. Il habitait seul avec sa vieille gouvernante Clorinde qui lui était dévouée. Mais « elle buvait », ce qui la rendait incommode, et peut-être, M. Dubois, en recherchant notre maison, fuyait-il la sienne.

M. Dubois me témoignait une bienveillance d’autant plus précieuse qu’elle venait d’un vieillard qui n’aimait pas les jeunes gens. Je la gagnai, à ce que je pense, en l’écoutant avec attention ; car il se plaisait à conter, et tout enfant que j’étais, ce qu’il disait m’intéressait presque toujours. Vers mes quatorze ans, je fus tout à fait dans ses bonnes grâces. Sans me flatter, il causait avec moi plus volontiers qu’avec mon père. Après si longtemps qu’elle s’est tue, j’ai encore sa voix dans l’oreille. Elle était sans beaucoup de force et ne s’élevait jamais. Sa prononciation, ainsi que celle de ses contemporains, différait de celle des hommes d’aujourd’hui ; elle était plus facile et plus douce. M. Dubois disait mame pour madame, Sèves pour Sèvres, Luciennes pour Louveciennes. Il disait segret pour secret, ne