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PRÉFACE.

demandait-on, étaient-ils allés chercher des phrases si baroques et si ridicules ? — Il les avaient prises pourtant dans un très beau livre. C’était du Michelet, et du meilleur, du Michelet du plus beau temps. MM. les officiers avaient tiré le texte de leur dictée de cette éclatante description de la France par laquelle le grand écrivain termine le premier volume de son Histoire et qui en est un des morceaux les plus estimés. « En latitude, les zones de la France se marquent aisément par leurs produits. Au Nord, les grasses et basses plaines de Belgique et de Flandre avec leurs champs de lin et de colza, et le houblon, leur vigne amère du nord, etc., etc. » J’ai vu des connaisseurs rire de ce style, qu’ils croyaient celui de quelque vieux capitaine. Le plaisant qui riait le plus fort était un grand zélateur de Michelet. Cette page est admirable, mais, pour être admirée d’un consentement unanime, faut-il encore qu’elle soit signée. Il en va de même de toute page écrite de main d’homme. Par contre, ce qu’un grand nom recommande a chance d’être loué aveuglément. Victor Cousin découvrait dans Pascal des sublimités qu’on a reconnu être des fautes du copiste. Il