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PRÉFACE.

s’extasiait, par exemple, sur certains « raccourcis d’abîme » qui proviennent d’une mauvaise lecture. On n’imagine pas M. Victor Cousin admirant des « raccourcis d’abîme » chez un de ses contemporains. Les rhapsodies d’un Vrain-Lucas furent favorablement accueillies de l’Académie des sciences sous les noms de Pascal et de Descartes. Ossian, quand on le croyait ancien, semblait l’égal d’Homère. On le méprise depuis qu’on sait que c’est Mac-Pherson.

Lorsque les hommes ont des admirations communes et qu’ils en donnent chacun la raison, la concorde se change en discorde. Dans un même livre ils approuvent des choses contraires qui ne peuvent s’y trouver ensemble.

Ce serait un ouvrage bien intéressant que l’histoire des variations de la critique sur une des œuvres dont l’humanité s’est le plus occupée, Hamlet, la Divine Comédie ou l’Iliade. L’Iliade nous charme aujourd’hui par un caractère barbare et primitif que nous y découvrons de bonne foi. Au xviie siècle, on louait Homère d’avoir observé les règles de l’épopée.

« Soyez assuré, disait Boileau, que si Homère