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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/238

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LA VIE LITTÉRAIRE.

taire de notre Académie des sciences. Cela ne m’est pas permis ; je dois m’arrêter, plein de regret, au seuil du sanctuaire où les initiés recherchent les seules vérités qu’il soil donné à l’homme d’atteindre absolument, et je ne puis que gémir d’être exclu des temples de la certitude. Mais il suffit d’une vue générale sur l’histoire des mathématiques pour reconnaître la grande place qu’y tient l’œuvre de M. Joseph Bertrand et savoir que ce maître a porté dans l’analyse cette clarté rapide, cette élégante concision qui donnent la grâce à l’évidence et montrent la vérité avec tous les rayons de sa couronne. L’algèbre et la géométrie ont leur style, comme la musique et la poésie, et c’est au grand style qu’on reconnaît le génie dans les sciences comme dans les arts.

La supériorité certaine de M. Joseph Bertrand dans la science des nombres et des figures nous rend infiniment précieux tout ce qu’il nous dit des découvertes et des expériences que Pascal nous a laissées. Soit qu’il définisse la part de Biaise dans l’établissement du calcul des probabilités, soit qu’il montre par quelles incertitudes ce génie a passé avant de constituer la théorie de la pesanteur de l’air, soit qu’il nous conte cette histoire du cycloïde où l’ennemi des jésuites montra plus de zèle pour la vérité que d’indulgence pour ceux qui la cherchaient avec lui, soil qu’il nous donne pour un incomparable chef-d’œuvre la théorie de la presse hydraulique, je m’instruis et j’admire de confiance ; mais il y a un point qui touchera tout le monde. C’est cette simple phrase : « Pascal fit à seize ans sa première découverte